Toujours bien centrer, laisser 2 ou 3 centimètres au bord de l’assiette, toujours un nombre impair de produits mais jamais trois… en gastronomie, l’art du dressage a longtemps eu ses règles et ses normes. Avec l’évolution des modes de consommation, les Chefs sont nombreux à s’en affranchir. Eugène Hobraiche, Chef du Haut Bonheur de la Table à Cassel nous partage sa vision de l’esthétisme en gastronomie.
Le dressage de l’assiette, un message passé au client
Eugène Hobraiche ne s’interdit rien. Pour le Chef du Haut Bonheur de la Table à Cassel, étoilé Michelin depuis 2017, l’art du dressage de l’assiette, au-delà du beau, est avant tout un message partagé au client, une histoire qui lui raconte l’exceptionnalité du produit qu’il va déguster, le mariage des saveurs qu’il est prêt à découvrir, l’étonnement qu’il est sur le point de ressentir.
Découvrir le plat comme on découvre l’œuvre d’un peintre
Pour Eugène, un plat gastronomique s’appréhende comme un tableau. « Tu découvres ton assiette comme tu explores l’œuvre d’un peintre : tu vois le premier jet, et au fur et à mesure de la dégustation, tu perçois les touches, les traits, les nuances, les textures que tu n’avais pas perçus au départ et qui font évoluer ton premier jugement et ton mode de consommation».
Aller à l’essentiel, pour valoriser le produit : un bon produit, un bon mariage, une bonne technique
Tout en se laissant la liberté de composer une assiette selon son inspiration, Eugène s’impose une ligne de conduite stricte : aller à l’essentiel, pour que l’esthétisme ne prime pas sur le goût. Pour le Chef du Haut Bonheur de la Table, pour faire une belle assiette, il faut épurer au maximum. C’est une alliance entre des équilibres, des jeux de textures, de couleurs et du vide aussi pour permettre au client de composer lui-même avec les mets, les saveurs et les couleurs qui lui sont présentés.
« Il ne faut pas chercher à mettre de la technique pour la technique. L’important c’est que le client reparte en se disant : Qu’est-ce que c’était bon ! »
Régis Marcon et Jacques Decoret pour l’héritage, Michel Bras pour la philosophie
Cette inspiration, il la puise d’abord dans les techniques et les visions de la gastronomie dont il a hérité de ses années aux côtés des grands Chefs français : « Régis Marcon m’a ouvert les yeux sur la gastronomie et le plaisir que tu pouvais apporter aux clients simplement avec des bons produits. Jacques Decoret m’a appris à travailler sur moi-même : j’ai découvert avec lui ce que j’étais capable de faire de mes mains, comment dépasser mes limites. Pour moi, il est l’un des meilleurs. Il fait toujours parti du jury des Meilleurs Ouvriers de France. Techniquement, il est en avance sur tout le monde. ».
Et côté mouvance, Eugène suit particulièrement Michel Bras (Laguiole), Christophe Bacquié (Le Castellet), Arnaud Donckele (La Vague d’Or à Rouen), Emmanuel Renaut (Flocons de Sel à Megève), Serge Vieira (Chaudes-Aigues), Eric Pras : « Aujourd’hui, on ne fait que retranscrire ce que Michel Bras a fait il y a près de trente ans. On essaye d’épurer au maximum ».